DÉMOCRATIE, EGALITE, LIBERTÉ : d’ALEXIS DE TOCQUEVILLE à ELON MUSK

Laurent Vivès – Ex praticien hospitalier Interniste/Cancérologue – Temps de lecture : 30′ à 40′

C’est une banalité de dire que la démocratie régresse dans le monde. L’indice de démocratie, actualisé annuellement depuis 2006, par l’Économist Intelligence Unit, le confirme dans son rapport de 2021 (1). En 2022 moins de 50% des terriens vivent dans une démocratie (pleine ou imparfaite) et 37% sont dans des régimes autocratiques.

La démocratie est plus présente en Europe et aux Amériques, alors que les dictatures foisonnent en Afrique, au moyen Orient et en Asie orientale.

Des facteurs sont souvent avancés pour expliquer cette évolution : la perte de confiance envers les pouvoirs politiques, le déclin de la notion de citoyenneté, l’affaiblissement des partis et des idées politiques, la corruption et la puissance du capitalisme, les restrictions de libertés occasionnées par la pandémie Covid-19, une résurgence des nationalismes et de l’islamisme, et plus récemment, l’impact des réseaux sociaux capables de manipuler l’opinion publique.

La démocratie est un idéal et un système social, que ne partage pas l’ensemble de la planète, malgré les luttes historiques qu’ont nécessité sa conquête.

Depuis Périclès et les citoyens grecs réunis en Ecclésia dans le Forum, exerçant une démocratie directe, puis la République Romaine, il y a eu plus de bas que de hauts, avec les oligarchies, monarchies et empires. Cependant, le parlementarisme Britannique vit encore depuis la Magna Carta signée en 1215 par le roi Jean Sans Terre et la Révolution Française a laissé des traces bien vivaces.

Des penseurs et philosophes ont donné leurs opinions, de Platon se méfiant de l’Égalité, d’Aristote défenseur de la Liberté, de Montesquieu et Rousseau opposés à la démocratie directe, de Spinoza plaidant « l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif », jusqu’à Alexis de Tocqueville.

Nous voici au début de notre sujet. Un préambule est nécessaire.

 1 – Pourquoi la démocratie, la liberté l’égalité et pas la fraternité ?

Tocqueville n’a pratiquement pas parlé de fraternité dans ses œuvres. La démocratie, l’égalité et la liberté sont des aspirations fondamentales intimement liées. La fraternité est un sentiment très fort d’appartenance à une communauté, avec un lien affectif entre les humains qui la composent. Elle n’est pas politique, mais peut cimenter les populations autour de la patrie (2). C’est le plus beau message de 1789. Elle a été inscrite dans la constitution de la 2° république en 1848.

Elle peut être aussi un devoir (Article 1, de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948) : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Elle s’exprime encore de nos jours dans l’humanitaire, le caritatif, les services à la personne, les soins médicaux, l’éducation nationale, le bénévolat, l’esprit d’équipe, les rassemblements sportifs et les groupes actifs.

Jérémy Mercier voit à travers la «  fraternité républicaine  » un moyen de réunir les citoyens autour d’une démocratie de partage et de proximité (3).

De plus elle a un aspect légal avec la non assistance aux personnes en danger et le non respect du bien public. Cependant elle est quasi absente du droit constitutionnel (4). Mais il faut savoir que le 6.06.2018, le Conseil constitutionnel, saisi par plusieurs personnes poursuivies pour leurs actions de solidarité envers des personnes exilées, a donné, pour la première fois, la valeur de principe constitutionnel à la fraternité.

En France, au 20° siècle elle a été progressivement remplacée par la solidarité publique étatisée (retraites, sécurité sociale, chômage, aide au logement, R.S.A., C.M.U., etc..). De nos jours l’esprit de fraternité tend encore à diminuer sous l’effet des réglementations, du mercantilisme, des individualismes, et des antagonismes (2).

La fraternité ne se décrète pas. C’est un sentiment, qui s’exprime et peut changer d’un instant à l’autre. Elle est aussi liée aux religions dont le christianisme (« nous sommes tous frères » disait Jésus).

La fraternité mondiale n’est cependant pas pour demain. Un groupe d’extrémistes violents peut se nourrir d’une grande fraternité tout en posant des bombes. La fraternité de tous les êtres humains sur la planète souffre aussi de la notion de patrie et de proximité. Les soldats meurent pour leurs patries souveraines autour desquelles les citoyens se rassemblent. Mais l’éloignement facilite l’indifférence.

Pour tous ces motifs, il m’a semblé préférable de ne pas approfondir la question ardue et délicate de la Fraternité, bien qu’elle apparaisse comme un pilier central entre égalité et liberté, raison pour laquelle il reste encore des voix pour en invoquer sa nécessité [2-3-5].

2 – Pourquoi Alexis de Tocqueville et Elon Musk ?

C’est un choix qui peut sembler incongru entre un penseur emblématique de la démocratie et un homme d’affaire inventeur qui ne semble pas très préoccupé par la démocratie et la sagesse. Plus d’un siècle les sépare et ils semblent à des années lumières l’un de l’autre. Ainsi, grâce à ces deux personnages on peut porter un autre regard sur l’ampleur de la transformation de notre monde depuis 1830.

Alexis de Tocqueville (29.07.1805 – 16.04.1859)

Alexis de Tocqueville

Il est né à Paris 7 mois après le sacre de Napoléon1°. Issu d’une haute famille noble, ses parents ont échappé à la guillotine grâce à la chute de Robespierre. Il étudiera chez les Jésuites de Metz, et deviendra licencié en droit. Il se liera d’amitié avec François Guizot, puis Gustave de Beaumont, lui aussi noble magistrat. En 1931 Ils seront envoyés par le gouvernement Français aux États Unis d’Amérique, jeune nation décolonisée depuis le 4 Juillet 1776, pour y étudier les prisons. Il y séjourneront un an, voyageant et rencontrant nombre de personnalités dont le président des U.S.A. Andrew Jackson. De ce voyage Tocqueville tire son œuvre principale « De la démocratie en Amérique », publiée en 1835.

Il va ensuite entamer une longue carrière politique en étant élu député de la Manche en 1938 et réélu brillamment 5 fois jusqu’en 1852. En 1846, il apporte un soutien réformiste à la monarchie de Juillet. En 1848 c’est la Révolution. Il sera élu à l’assemblée constituante de la 2° république et participera à la rédaction de sa constitution. En 06.1849 il est ministre des affaires étrangères du Président de la 2° République, Louis Napoléon Bonaparte. Puis il s’opposera au coup d’état de Bonaparte du 01.12.1852, ce qui lui valut l’emprisonnement et la privation de ses droits civiques (6).

Il a été analyste et acteur du 19° siècle, période riche en péripéties politiques et porteuse d’espérances en la Démocratie. Il est reconnu dans le monde entier comme un penseur majeur de la démocratie. Il s’est beaucoup documenté dans les bibliothèques et les archives, en particulier pour son ouvrage « l’Ancien Régime et la Révolution ». Issu de la noblesse il s’est aussi préoccupé des gens pauvres et s’est battu pour l’abolition de l’esclavage et la défense des libertés et contre les colonisations.

La personnalité d’Alexis de Tocqueville.

Il était un homme simple, sage et diplomate, qui a nourri sa réflexion de  la confrontation à la réalité et du dialogue (y compris avec le peuple). Bien qu’issu de la haute noblesse il a vécu simplement. Il va épouser une roturière anglaise sans charme apparent avec laquelle ils formeront un couple uni. Elle l’a soutenu et traité avec amour et bienveillance.

Il n’est ni révolutionnaire ni pur libéral. Il aime avant tout la liberté et il a payé de sa personne pour cela. En 1841, il proclamait: « Je hais la démagogie, l’action désordonnée des masses et leur intervention violente et mal éclairée dans les affaires« . Intègre et honnête, l’argent lui a souvent manqué. Il a fini sa vie humblement dans sa résidence familiale.

La pensée d’Alexis de Tocqueville

Elle se situe dans la continuité de Montesquieu et Rousseau, enrichie par l’épisode de la révolution Française et de la naissance des États Unis d’Amérique. A la fois sociologue, historien, politicien et mémorialiste il se définissait ainsi : « Je n’ai point de parti, je n’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine ».

Il a reconnu et défendu le besoin d’équité et d’égalité du peuple et redouté qu’il ne finisse par effacer celui de liberté, en s’enlisant dans la sécurité de l’égalité et dans l’individualisme. Il a été le premier à anticiper sur les dangers de la démocratie dans cette relation égalité- liberté (7). D’après Pierre Manent, « son amour de la liberté fait de lui un Libéral, et sa crainte que le besoin d’égalité ne finisse par effacer le sens civique et exacerber l’individualisme, fait de lui un Républicain » (8).

En 2022 beaucoup d’indices confirment les inquiétudes de Tocqueville, qui redoutait l’apparition future des despotismes dans les sociétés égalitaires, endormies dans le confort matériel, réifiées par la technologie triomphante, oubliant les devoirs de la citoyenneté et laissant l’état administrer la « dictature de la majorité » (9).

Il a aussi été un fin analyste des causes de la Révolution Française: c’est la noblesse qui en a été l’acteur principal (son pouvoir ayant été très réduit par Louis XVI au profit de l’administration et 47 nobles ayant rejoint le 1/3 état le 25.06.1789). Elle est survenue alors que le peuple Français était celui en Europe qui avait le moins de raisons pour la faire, et la faiblesse du roi à la réprimer en a favorisé l’aboutissement. Pour Tocqueville, « Elle a formé, au-dessus de toutes les nationalités particulières, une patrie intellectuelle commune dont les hommes de toutes les nations ont pu devenir citoyens. »

Elon Musk

Est né à Pretoria le 28.06.1971 d’un père Sud Africain et d’une mère Canadienne

Elon Musk et sa mère

Son père est un riche ingénieur et promoteur immobilier ayant investi dans une mine de diamants. Le jeune Elon fait preuve des grandes capacités informatiques, mais aussi de curiosité et d’une soif de culture. Il ne s’entend pas avec son père et doit se défendre des agressions à l’école. A 17 ans il rejoint sa mère et devient Canadien. Il étudie à la Queen’s University de Kingston, d’où il sort diplômé à l’âge de 21 ans. Il part aux U.S.A. étudier la physique pendant 3 ans à l’université de Pennsylvanie. Il obtient ensuite une bourse pour Stanford, qu’il va décliner.

Pourvu d’un Q.I. estimé à 155, Elon Musk va devenir un entrepreneur inventif et un homme d’affaire qui s’enrichit vite.

Il co-fonde un éditeur de logiciel « ZIP2 » qui sera vendu 300 millions de dollars en 1999. Il fonde ensuite une banque et fait fructifier PAYPAL en peu de temps. En 2002 il crée Space X dont on connaît le succès. En 2004 il rentre au capital de TESLA et en devient le P.D.G. en 2008. En 2013 il présente Hyperloop, projet de métro aérien a très grande vitesse, dont il va proposer la réalisation à des startups. A ce jour, pas d’avancées. En 2015 c’est Powerwal système de stockage tampon d’énergie domestique intermittente, qui pourrait déboucher sur une révolution de l’approvisionnement électrique via des batteries lithium de taille moyenne. Musk a un consortium pour mener à bien ce projet gigantesque et révolutionnaire.

Il est aussi impliqué dans la robotique (y compris « humanisée ») et l’intelligence artificielle (Open A.I. en 2015). Avec Neuralink (électrodes cérébrales pour les paralysés) il a en ligne de mire le transhumanisme et « l’homme augmenté ». Il n’a pas reçu à ce jour l’autorisation de la F.D.A. pour débuter un essai clinique. Il s’occupe aussi de creusement de tunnels (Boring company) et d’énergie solaire. Avec Starlink c’est l’internet mondial et des satellites par millier qui brillent dans le ciel.

Musk avance comme un bulldozer, bousculant les idées reçues, réussissant contre toute attente (Tesla et Space X), faisant fi des réticences scientifiques et des problèmes éthiques que ses projets peuvent poser.

L’affaire Tweeter est en cours et fait la une des journaux. Nous la détaillerons plus loin, car elle est en lien avec une problématique démocratique.

En 2021 Elon Musk devient l’homme le plus riche du monde. Il est très médiatisé. Time l’a désigné personnalité de l’année 2021 et débute son portrait ainsi : “L’homme le plus riche du monde ne possède pas de maison et a récemment vendu sa fortune.  Il jette des satellites en orbite, exploite le soleil et conduit une voiture qu’il a créée, qui ne consomme pas d’essence et a à peine besoin d’un chauffeur.  D’un simple mouvement de ses doigt, la bourse monte en flèche ou s’évanouit.  Une armée de fidèles s’accroche à chacune de ses paroles.  Il rêve de Mars en chevauchant la Terre, la mâchoire carrée et indomptable

La personnalité d’Elon Musk

Elle est à la hauteur de ses réalisations. Bourreau de travail, inventif, hyper intelligent, mégalo, franc parleur et moqueur, joueur, autoritaire, exigeant pour lui et avec les autres, cultivé et imprévisible. L’argent n’est pas son premier but mais un moyen pour faire ce qu’il veut. Cependant il n’a pas payé d’impôts pendant plusieurs années profitant des lois de Donald Trump en faveur des riches. Pour Space X il a reçu 24 milliards de dollars d’argent public. Il a une vie conjugale agitée (5° légitime) et communique énormément.

D’après les témoignages de gens qui l’ont connu et/ou travaillé avec lui, le dialogue se résumerait à un monologue de sa part. Parfois il semble incohérent et impulsif. Il se disperse et se mêle de politique. Il n’est pas à une contradiction près, demandant l’arrêt des subventions des entreprises après en avoir grassement bénéficié pour Tesla et Space X, licenciant des milliers d’employés de Tweeter tout en se réclamant du libéralisme. Il ne semble pas animé par l’altérite et l’humanité, ni attaché à ses racines. C’est un oligarque innovant, créateur, extraverti et sur de lui.

La pensée d’Elon Musk.

Il est avant tout un libertarien, et c’est la liberté d’entreprendre qui a facilité sa réussite (due d’abord à son talent et son travail). On ne peut pas dire qu’il soit un grand penseur et ses idées font peur à beaucoup de gens: libertarisme radical, liberté d’expression absolue, laisser aller économique, réduction du rôle de l’état, conquête commerciale de l’espace, robotisation, fusion cerveau-ordinateurs, transhumanisme. Es t’il sincère quand il proclame lutter contre le réchauffement climatique et faire le bonheur des hommes? Tous les dictateurs veulent faire le bonheur de leurs peuples. Elon Musk réalise ses propres rêves avec la technologie et son business. Il le fait pour lui avec quelques riches, et ne se préoccupe pas du sort du peuple. Il n’a peur de rien, construit des usines gigantesques, remplit le ciel de satellites, fait travailler des robots qui remplaceront les hommes et fait rouler des voitures sans chauffeur.

La terre devient irrespirable, fuyons la. L’homme est dépassé et dévoré par l’intelligence artificielle, implantons la dans nos cerveaux, et devenons des hommes augmentés, cherchant l’immortalité. Il n’apparaît pas concerné par la sagesse, l’amour du prochain, l’empathie, la connaissance de soi et le partage. Il a une conception messianique et démiurgique de son action : le messie qui devient le grand architecte du monde. (C ce soir podcast du 11.2022 France.TV: « Elon Musk un milliardaire contre la démocratie ? « )

3 – Démocratie, égalité liberté

3.1 – Démocratie

Étymologiquement et à son origine, une démocratie est le gouvernement par le peuple. D’abord exercé directement par lui, puis par les représentants qu’il a élus, le recours à la démocratie directe reste encore possible via les référendums. La démocratie n’est pas la république, de nombreux royaumes sont bien plus démocratiques que certaines « démocraties ».

Pour parler de démocratie il faut une nation souveraine, une constitution, des élections libres et sans fraudes, des libertés de circulation et d’expression, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire avec une justice indépendante et une égalité des citoyens devant la loi, un gouvernement qui agit pour le bien commun, sans corruption et garantit la sécurité, l’éducation et le respect de la personne humaine.

La démocratie est avant tout un idéal, elle est porteuse de valeurs et ne se résume pas à une simple élection. Elle est en mouvement permanent et prend des aspects très variables selon les pays ou elle s’applique.

Je ne vais pas reprendre ici l’histoire de la démocratie depuis 1830. Sur le graphique 1 on voit bien qu’à cette époque elle était quasi inexistante (mis à part les U.S.A., l’Angleterre, Haïti, l’Espagne, la Grèce, et la Serbie…). En 1850, il y avait en plus la France, la Germanie, les Pays Bas, le Danemark. Viendront ensuite l’Australie, l’Afrique du Sud, la Nouvelle Zélande, la Perse. L’émergence de démocratiques a bénéficié de l’après guerre dès 1918, de la décolonisation et du déclin du communisme (graphique 2)

Graphique 2 : Nombre de nations scorant 8 et plus de 1800 à 2003

A la fin du 20° siècle on compte près de 60 démocraties. A première vue, la démocratie n’aurait que des vertus, chacun s’en réclamant, même les pires dictatures comme les Républiques démocratiques du Congo, de Chine ou de la Corée du Nord.

Après la chute du Mur de Berlin et de l’URSS on à cru au triomphe de la démocratie politique libérale. Il n’en a rien été. On constate maintenant la pérennité et l’émergence des régimes totalitaires, l’évolution vers des démocraties autoritaires et la perte de l’influence du monde Occidental (10).

Graphique 3 : index démocratique mondial en 2021

Après une embellie dans la 2° partie du 20°siècle avec l’O.N.U, le « boost » économique, la libération des idées et des mœurs, on assiste maintenant à des changements inquiétants avec l’émergence de leaders puissants aptes à manipuler les opinions.

Notons Vladimir Poutine (Russie), Donald Trump (U.S.A.), Recep Erdoğan (Turquie), Jair Bolsonaro (Brésil), Viktor Orban (Hongrie), Jaroslaw Kaczyński (Pologne), XI-JinPing (Chine), Min Aung Hlaing (Birmanie), Narenda Modi (Inde), Benyamin Netayahou (Israël), Mattéo Salvini (Italie), Paul Kagame (Rwanda), Félix Tshisekedi (Congo), Mahamat Déby (Tchad), Ali Khamenei (Iran), Bachar al-Assad (Syrie), Nicolas Maduro (Vénézela), Kim Jong-un (Corée du Nord), Giorgia Melloni (Italie) etc… (11)

La question du Populisme

Le populisme est un concept flou parce que la base de son fondement est le « peuple », entité indéfinissable, qui, pour l’historien Pascal Ory (12), est avant tout une « fiction utile ». Du « peuple d’une nation » englobant toutes les personnes qui la composent au « petit peuple » travailleur et plutôt pauvre, de nombreuses acceptations sont possibles. Qui est le peuple, qui ne l’est pas ? Le peuple a bonne réputation, il est « pur » et humble. Pourtant il peut aussi avoir des côtés obscurs et « être autoritaire, jusqu’à l’amour de la dictature et identitaire, jusqu’à la xénophobie » souligne Pascal Ory (12).

Philippe Raynaud dans « Vie Publique » (13) s’est penché sur les « populismes » qui ont débuté en Russie vers 1860, dans les villages, puis aux U.S.A. (People’s Party 1892) dans les milieux agricoles, et en France avec le Boulangisme pendant la III° République (1886), venant d’une droite nationaliste et Bonapartiste autoritaire, citadine, petite bourgeoise et ouvrière.

Depuis le populisme a évolué. Partant d’une connotation radicale et autoritaire de droite, il est attaché au rétablissement de l’ordre, à la préférence nationale, dénigre les gouvernants et utilise la démagogie. Il peut être aussi nationaliste vindicatif, attentatoire aux libertés fondamentales, raciste et xénophobe. Il surfe sur les ressentiments et l’illusion d’une reconquête identitaire basée sur l’anathème de boucs émissaires tels que les musulmans et les migrants.

Philippe Raynaud conclut son papier ainsi : « La prospérité actuelle du populisme est le miroir inversé des démocraties contemporaines : il exprime à sa manière les limites du formalisme libéral, les difficultés de l’intégration sociale et d’une gouvernance qui représente mal et donne le sentiment de ne plus gouverner. Le populisme est donc une pathologie compréhensible sinon « normale » de la démocratie d’opinion, dont il accompagne comme son ombre le développement. »

Que faire pour aider la démocratie ?

D’après Jan-Werner Müller (15), professeur de philosophie politique à Princeton, « Seule la mobilisation des citoyens peut sauver la démocratie». Il voit dans le populisme la conséquence de l’économie libérale mondialisée, enrichissant outrageusement l’élite et éliminant les pauvres gens de la vie politique, qui tombent dans les bras de la sirène populiste promettant de leur rendre une vie meilleure. Il avance la notion de « démocratie incertaine » (14) qui, de par les élections périodiques, est porteuse de changements. Müller reprend l’idée (avancée par Karl Lowenstein) de « démocratie militante » ou les démocraties doivent se défendre fermement contre les extrémismes et les actions violentes (telles que la prise du capitole par les Trumpistes).

Beaucoup de politiciens diplômés et fortunés sont jugés comme étant isolés et peu au fait des « quotidiennetés populaires ».

Les grands maux de la démocratie sont les injustices, la perte de la confiance et de la légitimité envers le pouvoir, la rupture du lien entre les gouvernements et les électeurs, la corruption, l’individualisme et la difficulté à gouverner qui s’accroît avec la modernité, accélérée par les médias, internet, les impatiences et divisions des peuples et de leurs élus.

Le financement de la vie politique est aussi à revoir selon Julia Cagé (16) car la part des fonds privés augmente beaucoup par rapport au public et aux cotisations des adhérents, avec une défiscalisation avantageuse. Il y a là une perte de la démocratie au détriment des gens démunis par rapport aux riches qui, pour la plupart financent des partis de droite.

Il me semble que la démocratie relève pour beaucoup de la responsabilité de tous les citoyens. La perte du sens civique et l’abandon de l’action politique citoyenne créent un vide dans lequel les opportunistes peuvent s’engouffrer. L’affaiblissement des partis politiques, l’effondrement du nombre de leurs adhérents, la quasi disparition du militantisme (délaissé au profit de la vie associative, du sport, des loisirs, du caritatisme, du repli sur la sphère intime et du consumérisme), sont d’abord le fait d’une déresponsabilisation de chacun et d’un individualisme prégnant contribuant à l’abstentionnisme.

Se posent aussi les problèmes de la représentation, biaisée par des systèmes électoraux inéquitables et de la déstructuration de la société, perdant ses repères traditionnels comme les syndicats, la presse écrite, et l’enseignement.

La vie démocratique ne se résume pas aux élections. Chaque citoyen peut s’impliquer selon ses envies, ses disponibilités et ses compétences. Mais la vie moderne se prête peu à cela : autres tentations et activités, travail et impératifs quotidiens nous détournent de la réflexion et de l’action politique. Dans ma jeunesse les gens parlaient et faisaient de la politique. On disait « occupes toi de la politique sinon, elle, s’occupera de toi « . Nous avions une culture politique qui nourrissait nos convictions et nos choix.

Notre confort nous aveugle. Regardons ce qui se passe en Chine, en Russie, en Corée du Sud, en Iran, en Turquie, en Syrie, au Venezuela, en Birmanie, au Tchad, en Érythrée, au Soudan, au Congo, au Mali, en Israël et dans toutes les dictatures et démocraties autoritaires… Nous avons la chance de vivre en démocratie, celle-ci vaut bien que l’on s’y intéresse et que l’on participe à sa vitalité.

3.2 – Égalité

L’égalité n’existe pas dans l’univers, sauf en mathématiques. Nous sommes tous différents et inégaux. Ce vers quoi l’on tend c’est « l’égalité de condition », conceptualisée par Tocqueville lors de son voyage aux U.S.A. Il avait été frappé par le fait que tout citoyen pouvait prétendre aux plus hautes fonctions que ses capacités et une certaine chance pouvaient lui permettre d’atteindre. Ainsi le valet de chambre d’un riche bourgeois pouvait un jour le quitter pour devenir un homme d’affaire bien plus enviable que son ancien patron.

Quelle que soit sa position sociale chaque citoyen doit être traité avec considération, en particulier devant la justice et par la police. Son appartenance ethnique, la couleur de sa peau, son genre, sa religion ne doivent pas lui porter préjudice. Tous les enfants doivent avoir des chances égales de réussite scolaire. Des progrès considérables ont été réalisés dans ce sens.

Malgré une réduction de l’extrême pauvreté et une élévation générale du niveau de vie dans le monde depuis 2 siècles, les inégalités se sont creusées dans cette marche en avant qui a beaucoup plus profité aux très riches (16). Dans 20 ans, 0,1% des humains les plus fortunés possèderont 75% des richesses de la planète !

Graphique 5 : Inégalités mondiales et croissance (1980 – 2016)

Il reste encore des inégalités importantes qui s’acutisent depuis la crise énergétique et l’inflation. En France on note une accentuation de la pauvreté (4,8 millions de pauvres en 2020), surtout chez les jeunes et en particulier les étudiants.

Des minorités sont brimées et oppressées partout dans le monde, dont les minorités musulmanes (les Rohingyas en Birmanie, les Ouïghours en Chine, les Thaïlandais du sud, en République Centrafricaine). La Russie, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Turkménistan contrôlent étatiquement les activités religieuses, alors qu’Israël, l’Irak et le Yemen se livrent à des oppressions contre des minorités religieuses, ainsi que de nombreux autres pays (Graphique 7)..

Graphique 7 : restrictions des religions selon les états dans le monde

L’O.N.U. a crée un chapitre populations vulnérables sur son site internet. Il s’agit des femmes, des LGBTQIA+, des migrants, des Roms, des Sinti, des Nomades, des réfugiés, des personnes ayant une ascendance Africaine, des pauvres, des peuples autochtones et de toutes les minorités Elle a publié le 19.12.1992 la déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques.

Aux U.S.A. en 1957 à Little Rock (Arkansas), le racisme excluait les noirs des lycées. Il a fallu un dur combat pour que 9 adolescents noirs arrivent à se faire accepter face aux agressions violentes des autres lycéens. Ceci conduira aux lois anti-discrimination ( Affirmative Action ), qui font encore débat de nos jours avec des votes populaires contradictoires selon les états et qui embarrassent la cour suprême. Les violences policières envers les noirs ont été réactivées avec le Trumpisme. Les Asiatiques aussi sont victimes de discrimination.

Tocqueville, se méfiait des maux induits par l’égalité (8), qui peut « produire l’uniformisation de la création, la simplification de l’opinion, l’oubli de la citoyenneté, la jouissance matérialiste, et surtout, l’isolement des individus, ce sur quoi le despotisme peut prendre appui […] rendant moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre […]. Le péril de la démocratie, c’est de brimer liberté et autonomie de l’individu, de figer la réalité sociale, de refuser son mouvement et d’y imposer un égalitarisme fixant la liberté ».

3 – Les libertés

Article 4. de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». A cela s’ajoutent la déclaration des droits de l’homme de l’O.N.U. de 1948 , la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7.12.2000, ainsi que les diverses constitutions dans les démocraties libérales.

Liberté et droits sont interdépendants : les droits nous accordent des libertés de faire ce qui est autorisé. Il faut ajouter la liberté de choisir (le libre arbitre) et la responsabilité de nos actes. L’état n’a pas de tendance spontanée à étendre les libertés, surtout en période de crises (Covid 19, dérèglement climatique), et aussi pour des raisons de sécurité, de fichage des citoyens et pour divers contrôles (identité, fiscalité, respect des règles, etc…). Ce sont le conseil d’état et le conseil constitutionnel qui ont étendu les libertés, ce qui participe au développement de la démocratie.

Les droits fondamentaux : droits à la vie et au respect de la dignité humaine, au respect de la vie privée, au respect de l’intégrité physique, à la non discrimination, a des moyens d’une vie digne, à la sûreté, à la santé, au travail, à l’instruction, à la culture, à la grève, à la confidentialité et à la protection des données personnelles (C.N.I.L.)…

Les libertés fondamentales : de mouvements et de déplacements, d’expression, d’opinions, de conscience, d’avoir une religion, de communication, de réunion et d’association.

L’euthanasie et l’avortement font toujours débat. La France prévoit d’inscrire la liberté à l’interruption de grossesse dans la constitution, alors que plusieurs états aux U.S.A. viennent de l’interdire. Il reste des pays qui interdisent l’I.V.G. en Afrique, Amérique du sud et en Asie mineure

Graphique 8 : Avortement dans le monde 2022

L’euthanasie active et le suicide assisté sont beaucoup moins autorisés que l’I.V.G. Il s’agit d’un sujet très délicat, qui active des passions : « mourir dignement ». Beaucoup de médecins et de penseurs sont réticents à libérer l’euthanasie active, et il y a nombre de raisons à cela : une personne âgée dérange, la famille est pressée de la voir partir, une autre fragile peut changer d’avis, quel lien entre les exécutants de l’euthanasie et l’entourage du patient, quel niveau de respect de la vie humaine ? La législation française actuelle permet un accompagnement thérapeutique actif pour alléger les souffrances, jusqu’à entraîner le décès le cas échéant. L’euthanasie active pour donner la mort est un vrai problème de conscience et de société.

DROIT A L'EUTHANASIE DANS LE MONDE
Graphique 9 : Euthanasie et aide au suicide dans le monde

Ces dernières années toutes sortes de libertés ont été revendiquées : apparence vestimentaire, port du voile, préférences sexuelles, s’alcooliser, utiliser des psychotropes, changer de vie et/ou de mœurs, taguer, faire prévaloir sa différence. Les standards de vie, de goûts, de mœurs explosent. Les réseaux sociaux donnent la possibilité à chacun de s’exprimer, se filmer, se faire valoir, d’avoir des « followers », de devenir des influenceurs. C’est surtout le fait d’une certaine jeunesse en refus des normes, avide de liberté, mais aussi en perte de repères, prise dans la puissance des smartphones.

En fait tout ceci se résume par le « c’est mon choix ». Mon choix fait loi, injustifiable, rédhibitoire. Le monde Occidental individualiste est plus concerné que les pays ou le sentiment de la collectivité est plus fort.

Agata Zielinski (17) revient sur l’autonomie qui est une libération des contraintes (autrui, émotions et impulsions, qui débouche sur « se donner ses propres lois »), sur l’autodétermination (capacité à se déterminer pour et par soi même) et l’indépendance (choisir par soi même envers les autres et l’état) Mais nous ne sommes pas vraiment indépendants. Pour Emmanuel Kant le libre choix est rationnel, avec des raisons valables. Hannah Arendt entend la liberté comme initiative ou créative, comme action, vraie liberté politique. Jean Paul Sartre rattache l’expérience de la liberté à celle de l’angoisse créée par le choix devant le vaste champ des possibles.

Cette prévalence de la liberté se trouve aussi dans la technologie, l’économie et les stratégies impactant le futur. Elon Musk en est l’archétype, le modèle, le chantre. Ceci débouche sur la perte du sens, des repères, de l’éthique et de la sagesse. Le libre choix ne veut pas dire faire n’importe quoi. Il faut l’éclairer à la lumière des connaissances de la situation avec tous les tenants et les aboutissants, et aussi de la morale et de l’éthique.  Car nous vivons dans un monde contraint avec une problématique constitutive, inéluctable : notre planète et sa nature.

Du bon usage de la liberté :

Bossuet disait : « Le bon usage de la liberté quand il se tourne en habitude, s’appelle vertu et son mauvais usage quand il se tourne en habitude s’appelle vice ». Pour Kant, seul un être moral peut être libre. Pour Spinoza, l’homme ne peut échapper aux lois de la nature, et ce constat limite ses libertés.

Nos libertés ne sont pas définitives ni universelles, d’où la nécessité de bien les utiliser si l’on veut les conserver. Réfléchir et connaître avant de parler et d’agir. Se protéger des émotions et de la colère. Envisager les conséquences de nos paroles et de nos actes.

Avant de conclure : Démocratie, la technologie, internet et les réseaux sociaux

Les Français sont très attachés à la démocratie, mais plus de 60% d’entre eux pensent qu’elle est menacée.

La « disrupture », mélange d’esprit entrepreneurial et de nouvelles technologies « de rupture », pose le dogme que le progrès technique est inéluctable et toujours pour le meilleur, entraînant avec lui l’humanité toute entière (18). Des dispositifs démocratiques sont intervenus à de nombreuses reprises dans la régulation des progrès scientifiques et techniques avec diverses fortunes. Pourtant la disruption technologique est l’affaire de tous. Jacques Testard plaide pour que des Conventions Citoyennes tirées au sort donnent leurs avis aux parlementaires sur les sujets d’intérêt national. C’est un embryon de démocratie participative, qui pourrait aussi tirer bénéfice du numérique et de l’intelligence artificielle pour des consultations populaires, des aides à l’information et aux prises de décisions.

Rappelons le danger que représentent les G.A.F.A.M. (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), organismes gigantesques omniprésents dans nos vies, plus puissants que les états, détenteurs de richesses colossales (dont les bases de données, y compris de nos vies privées), qui sont quasi défiscalisés et dont nous sommes totalement dépendants.

Tout le monde est au courant du rachat de Tweeter par Elon Musk qui a fait couler beaucoup d’encre. Officiellement il veut libérer l’expression populaire, rendre service à l’humanité. Il a licencié la moitié de son personnel, et les choses prennent une tournure désagréable pour lui. Les langues se délient, on parle d’inconstance, de non crédibilité, d’improvisation et d’imprévisibilité. Elon Musk s’entend bien avec Donald Trump dont il a autorisé la réouverture de son compte. Les annonceurs commencent à lâcher Tweeter. Beaucoup accusent Elon Musk de mettre en danger la démocratie.

Cependant les réseaux sociaux ne l’ont pas attendu pour cela, avec les fake-news, les toxics-datas, la multiplication des comptes anonymes pour faire pression sur les gens, des algorithmes imparfaits et une insuffisance de personnel pour modérer et réguler. David Chavalarias a dirigé une longue et sérieuse étude sur « Comment les réseaux sociaux manipulent nos opinions » (19). Il apparaît qu’ayant créé pour son étude de nombreux comptes « modérés », beaucoup d’entre eux ont été envahis, faisant évoluer les sujets et les contacts vers les extrêmes. Les algorithmes vous poussent dans les bras des groupes extrémistes. Ceci peut amener des changements d’opinions et influencer fortement le vote de plusieurs dizaines de milliers d’électeurs. Dans des élections serrées cela pourrait inverser les résultats.

La nécessité de régulation est évidente : en premier lieu, supprimer l’anonymat qui permet l’agressivité et le mensonge impunis et ensuite imposer aux opérateurs un code de déontologie opérationnel. Cependant de régulation à censure il n’y a qu’un pas. Entre liberté sauvage et dialogue respectueux d’autrui, il y a une marge sur laquelle le parlement Européen travaille, mais la problématique est très complexe. Le D.S.A. (Digital Services Act) et le D.M.A. (règlement sur les marchés numériques) sont en route. Le D.S.A. entrera en cours dès 2023 visant les grandes plateformes dont les GAFAM. Il s’appliquera dans l’Union Européenne et 60 pays ont signé la charte. Mais des textes à la pratique il peut y avoir un monde..

Synthèse et Conclusion

Lorsqu’il y a 3 ans j’ai eu l’idée d’écrire cet article mettant en perspective Alexis Tocqueville et Elon Musk, je ne pensai pas y arriver. Mais l’histoire m’a aidé avec les crises, la guerre en Ukraine et l’ascension fulgurante d’Elon Musk. J’ai beaucoup lu et appris.

Ces deux personnages sont diamétralement opposés. Tout les sépare : leur condition de départ, leur siècle, leur caractère, leurs idées, leurs façons de faire, leurs valeurs, leur pensée, leur vie. Pour autant ils sont très symboliques, connus et appréciés, portés tous les deux par une dynamique vers un futur meilleur. De la sagesse, la perspicacité, la clairvoyance et la cohérence de Tocqueville à la fulgurance, la puissance, le « génie » et l’originalité de Musk on mesure l’ampleur de l’évolution de nos temps modernes. Un accélérateur dans lequel la vitesse, le paraître, la technologie et l’argent prédominent au détriment de la sagesse, de la réflexion et du partage.

Cependant il faut garder à l’esprit les progrès sociaux, la conquête des libertés, l’amélioration du niveau de vie, des connaissances et de la culture. Une humanité plus instruite, informée, plus nombreuse, hyper connectée, mais qui comme Tocqueville l’avait prédit s’enlise dans la matérialité, l’individualisme, le confort et abandonne la citoyenneté.

Fasse qu’Elon Musk lise un jour Alexis de Tocqueville et utilise sa liberté et ses capacités, aussi pour le bien commun, le partage et l’amour du prochain… Autant croire au père Noël.

L’avenir de l’humanité passe aussi et surtout par la connaissance de soi, le recul de l’individualisme, l’empathie, la quête du sens, la sagesse et le retour au lien collectif structurant la démocratie. Si la technologie nous a beaucoup apporté, en l’absence de régulation, son évolution frénétique incontrôlée pourrait bien nous détruire un jour. D’autant plus que moins d’un terrien sur deux dispose du libre arbitre et du droit à la parole et que l’on ignore encore l’impact du numérique et des écrans sur le mental des humains.

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MES SOURCES

1 – Democracy Index 2021 – The China challenge

2 – « Liberté, égalité, une fraternité complexe » Par Philippe Crevel (économiste) | Le Point, 12.Février 2019

3 – « La fraternité, un nouveau combat pour la légalité ». Jérémy Mercier ; Grand Orient de France | « Humanisme » 2013/2 N° 299 | pages 61 à 65 – ISSN 0018-7364OI –  10.3917/huma.299.0061

4 – « La fraternité dans le droit constitutionnel français ». Guy Canivet | Conférence en l’honneur de Charles Doherty Gonthier | 20-21 mai 2011

5 – « La maison de la citoyenneté : pour une démocratie de fraternité ». Jo Spiegel. Érès | « Vie sociale » – 2011/2 N° 2 | pages 111 à 116 |ISSN 0042-5605 | DOI 10.3917/vsoc.112.0111

6 – « Alexis de Tocqueville (1805 – 1859) ». André Laramé | Hérodote le média de l’histoire. 30.12.2021

7 – « La démocratie tocquevillienne. Un parcours dialectique ». Nicolas Arens | Revue interdisciplinaire d’études juridiques 2015/1 (Volume 74) ; pages 181 à 202

8 – « Tocqueville, le penseur de la démocratie ». Pierre Manent (propos recueillis par Christophe Geffroy) | © LA NEF n°340 Octobre 2021

9 – « Ce qu’alexis de tocqueville nous apprend sur la société contemporaine ». Albéric Biglia | Presses universitaires d’Aix-Marseille | « Les Cahiers Portalis » | 2015/1 N° 2 | pages 125 à 132 | ISSN 0981-1966 |DOI 10.3917/capo.002.0125

10 – Le Monde en régression démocratique. Podcast RFI | 29.10.2022 | Clémentine Fauconnier, maîtresse de conférences à l’Université de Haute-Alsace et rattachée au laboratoire Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe  | Pierre Buhler, diplomate, ancien ambassadeur de France en Pologne entre 2012 et 2016 | Serge Sur, membre de l’Académie. Professeur émérite de l’Université Panthéon. Écouter le Podcast de l’émission

11 Les nouveaux autoritaires – portraits des nouveaux « hommes forts ». Michel Duclos | Conseiller spécial, Géopolitique, ancien ambassadeur | Institut Montaigne | Analyses | 12 Novembre 2019

12 – «  Le côté obscur du peuple ». Pascal Ory | livre | Bouquins la collection | 31.03.2022

13 – Les origines du populisme. Philippe Raynaud | Vie publique |08.01.2002

14 – Démocratie incertaine. Jean-Yves Potel | 26.03.2022| EAN (En attendant Nadeau), Journal de la littérature, des idées et des arts | Notes de lecture de « Jan-Werner Müller, Liberté, égalité, incertitude. Puissance de la démocratie. » Trad. de l’anglais par Cécile Dutheil de la Rochère. Premier Parallèle, 314 p.

15Croissance et inégalités. Juliette Servies. L’Esprit du temps | « Études sur la mort ». 2015/2 n° 148 | pages 67 à 70 | ISSN 1286-5702 | ISBN 978284795368. DOI  0.3917/eslm.148.0067

16 – Le prix de la démocratie. Julia Cagé |Livre | Fayard |29.08.2018

17 – Liberté, autonomie, liberté… fantasme ou réalité ? Agata Zielinski |Presses universitaires de Grenoble | « Jusqu’à la mort accompagner la vie » |2022/2 N° 149 | pages 11 à 22 |ISSN 0768-6625 – ISBN 9782706151743 – DOI 10.3917/jalmalv.149.0011

18 – On n’arrête pas le progrès ? La démocratie à l’épreuve de la « disruption ». Irénée Régnauld | SOCIALTER |n° 19 |publié le 21 juin 2018

19 – Toxic data : Comment les réseaux sociaux manipulent nos opinions. David Chavalarias | Flammarion | ISBN 978208028054 | https://www.youtube.com/watch?v=7oyubQhb8kU&ab_channel=LacanWebT%C3%A9l

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DOCUMENTS ET LIENS

3 commentaires sur « DÉMOCRATIE, EGALITE, LIBERTÉ : d’ALEXIS DE TOCQUEVILLE à ELON MUSK »

  1. Salut Laurent,

    J’ai lu tout d’une traite ton article sur le dur combat de la démocratie. Et ton idée d’opposer Musk et Tocqueville m’a surpris et j’avais du mal à imaginer la chute !!!
    Mais l’ensemble est une bonne synthèse d’un sujet hautement grave et gigantesque.C’est un sujet qui m’angoisse personnellement et qui m’attriste actuellement, après de longues années d’expansion et de conquêtes on note un déclin avec un sentiment d’être en défense et toujours sur un fil pour se maintenir.
    Pour avoir été un étudiant en droit, passionné par le droit public et l’histoire des idées politiques, je suis un fervent défenseur de la démocratie et chaque atteinte de cet idéal me crève le coeur….et franchement en ce moment , il saigne beaucoup !!!
    Tu as bien analysé les nombreuses causes et je ne reviendrai pas dessus. Mais j’insisterai sur un point qui me semble fondamental qui, a mon sens, a été le développement de la démocratie que ce soit dans la Grèce antique et Rome comme pour l’Europe et les Etats Unies. A chacune de ces époques, l’expansion de la démocratie est venue d’un fort développement du savoir et de la connaissance tant sur plan des sciences humaines que scientifiques. A contrario, le déclin de la démocratie constaté à l’époque antique est venu d’une chute en Grèce des sciences humaines au détriment des sciences scientifiques…morale de l’histoire, il faut maintenir l’équilibre!
    De nos jours, j’ai un peu le même sentiment avec en même temps un déclin très fort de l’enseignement général qui rend le débat d’idées totalement stérile donnant libre champs aux réseaux sociaux et aux courants populismes qui sont dans l’instantané et l’émotion. Constat pitoyable pour le développement de l’esprit …. avec un manque cruel d’un des piliers forts de la démocratie pour les politiques : la vertu si chère à Montesquieu !
    Je pense également à la base de tout ça que l’enseignement de la morale est totalement absent ce qui renforce l’individualisme en conséquence comment veux tu que la fraternité s’en sorte !!!
    Alors , l’image d’un Musk ( bien développé en science humaine et doté d’une morale solide) en bras armé scientifique d’un Tocqueville pourrait nous sauver !
    Je t’embrasse ,
    Guy

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  2. Félicitations: Un travail remarquable, une analyse approfondie qui met bien en évidence deux visions différentes de la démocratie mais les deux hommes partagent une vision de progrès de l’humanité. Pour Tocqueville, la démocratie était un moyen d’atteindre la liberté et l’égalité. Pour Musk, la technologie est un moteur de progrès et peut être utilisée pour résoudre certains problèmes auxquels l’humanité est actuellement confrontée.
    Pour ma part j’admire les deux, mais je pense que notre avenir sera plus influencé (pour le pire ou le meilleur) par la technologie que par la démocratie qui semble bien avoir atteint ses limites.

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